venerdì 1 febbraio 2013

40 millions de spectateurs pour un film chinois




C'est la bonne surprise du box-office chinois cet hiver : vue par près de 40 millions de personnes, la comédie Lost in Thailand a dépassé début janvier le milliard de yuans (120 millions d'euros) de recettes. C'est le premier film chinois à franchir ce cap.

Il met en scène l'un de ces duos discordants qui ont fait le succès des Compèresen France, ou d'Un ticket pour deux aux Etats-Unis : d'un côté un personnage de meneur, un battant tendu vers la mission qu'il s'est donnée, de l'autre un amoureux de l'instant présent, un peu jobard et d'un milieu beaucoup plus modeste que le premier, auquel il pourrit l'existence au cours d'une équipée qui va de mal en pis. Le battant s'humanise et y gagne une vision plus apaisée des choses. Le public chinois a craqué pour cette fable contemporaine qui brocarde la course aux profits et l'obsession de l'argent. En retour, cette comédie feel good("qui fait du bien") revalorise l'amitié.
Ici, le meneur du tandem est l'inventeur du "super gaz", une trouvaille "écologique" permettant de décupler le volume d'un carburant qui le rendra riche s'il parvient àapprofondir ses recherches. Mais il doit pour cela obtenir l'accord du patron de la start-up pékinoise pour laquelle il travaille. Or celui-ci effectue une retraite dans un temple à Chiang Mai, dans le nord de la Thaïlande. Le rejoindre est plus compliqué que prévu : dans l'avion, le touriste chinois assis à côté de l'inventeur, un vendeur de crêpes un peu simplet, le prend en affection. Par la force des choses, les deux compères sont obligés de faire chambre commune à Bangkok.
Avec ses cheveux orange, son sac à dos à pointes et son cactus en pot, le benêt fasciné par les lady boys - les travestis thaïlandais, dont aucun n'apparaît dans le film - multiplie les gaffes. Tout en bombardant son microblog de photos de sonvoyage.
Or l'inventeur est filé par un collègue aussi ambitieux que lui, équipé comme un agent des forces spéciales et déterminé à récupérer avant son rival les droits du "super gaz" pour les vendre à la France. Le périple vers Chiang Mai - en train, jeep, touk-touk, à dos d'éléphant, etc. - est une course-poursuite désopilante.
Les petits détails de la modernité consumériste chinoise (gadgets électroniques, vêtements à la mode), le contraste entre la frénésie pékinoise et le nord de la Thaïlande avec ses rites et sa simplicité bucolique, enfin l'apparition surprise de l'actrice vedette Fan Bingbing dans son propre rôle ont ravi les spectateurs.
La comédie des nouvelles classes moyennes
Pour Zhang Yiwu, un professeur de chinois à l'université de Pékin qui a proposé un décryptage sociologique du film sur son blog, celui-ci a réussi à capter cet état transitoire de la classe moyenne chinoise, avec, d'un côté, le jeune cadre qui rêve du "coup" qui fera de lui un millionnaire et, de l'autre, le représentant des petites gens, maladroit, mais dont le revenu en pleine croissance lui permet désormais de s'offrir des loisirs nouveaux comme le voyage à l'étranger. Le film, selon lui, joue sur "les déphasages psychologique et culturel que provoque la transformation rapide de la classe moyenne chinoise".
Lost in Thailand a aussi bénéficié d'une combinaison gagnante en matière d'exploitation : le film est sorti en fin d'année, au moment où la distribution des films hollywoodiens avait été "gelée" afin de donner un coup de pouce au cinémachinois. Or, ses rivaux locaux, des mégaproductions, s'étaient réfugiés dans des thèmes historiques, jugés moins risqués que les sujets contemporains face à la censure. "Les Chinois veulent des films plus frais, plus nouveaux", dit une productrice.
En outre, les deux principaux acteurs du film, Xu Zheng, qui est aussi son réalisateur, et Wang Baoqiang, avaient déjà fait la paire en 2010 dans Lost on Journey, réalisé par le Hongkongais Raymond Yip. Le trio devait être réuni pour une suite. Mais le réalisateur et ses producteurs ne se sont pas entendus. Le comédien Xu Zheng, 40 ans, a proposé le scénario remanié à d'autres investisseurs. Il a essuyé plusieurs refus avant qu'Enlight Media, une société de production privée enrichie par l'importation d'émissions de télé-réalité, donne son feu vert - pour un peu moins de 30 millions de yuans (3,5 millions d'euros). Ce premier film au sommet du box-office fait désormais de Xu Zheng une star - et un homme riche. N'en déplaise à la morale du film, le comédien était intéressé aux bénéfices.

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