... et il serait irlandais. Paris-Match publie une "exclusivité
mondiale" dans son édition du 7 février : la femme peinte par Gustave
Courbet dans le sulfureux tableau L'Origine du monde, exposé
au Musée d'Orsay depuis 1995, a été identifiée. Elle serait irlandaise et
s'appellerait Joanna Hiffernan, ce que les spécialistes soupçonnaient déjà.
Mais, surtout, une autre toile compléterait le tableau, permettant d'analyser
sous une autre lumière cette audacieuse contre-plongée sur un sexe de femme.
Cette révélation a fait l'objet d'une longue
quête. En 2010, un amateur d'art acquiert pour 1 400 euros chez un antiquaire
parisien un tableau non signé montrant le visage d'une femme, bouche
entrouverte, dans une pose lascive. L'œuvre, peinte à
l'huile sur toile de lin, aux dimensions de 33 × 41 cm, est peinte en
contre-plongée. Son acquéreur soupçonne qu'il s'agit d'une toile de maître et
se met à la recherche de son auteur. En étudiant le tableau, l'amateur découvre
que la toile a manifestement été découpée, extraite d'une peinture plus grande,
raconte Paris-Match. Au verso de la toile, un cachet à demi effacé
lui permet d'identifier le marchand d'art qui l'aurait acquise dans les années
1860. L'acquéreur consulte la Compagnie nationale des experts spécialisés en
œuvres d'art, qui reconnaît dans le tracé, les couleurs et les choix
esthétiques une œuvre de Courbet.
Le passionné d'art se lance dans une
documentation précise sur les autres tableaux de Courbet quand il soupçonne que
sa belle lascive serait en fait une autre partie du tableau L'Origine
du monde. Ses couleurs et ses proportions semblent en effet
correspondre parfaitement, comme si le visage en était le prolongement.
"Tableautins"
L'Origine
du monde est un mystérieux tableau, sans signature, dont
on sait seulement qu'il appartint au diplomate ottoman Khalil-Bey, qui l'aurait
maintenu caché derrière un rideau vert pendant des années, le dévoilant
seulement à ses visiteurs d'exception. Le témoignage d'un ami de Courbet, Jules
Troubat, intrigue l'enquêteur amateur. Evoquant la visite de Khalil-Bey à l'atelier
du peintre, Jules Troubat écrit en effet : "Il en résulta une
série de tableaux et tableautins qui se cachent dans quelques musées secrets
d'Europe ou d'Amérique." Cette indication de "séries
de tableautins" fait alors soupçonner à l'amateur que L'Origine
du monderésulte d'un plus grand tableau qui aurait été morcelé.
Une
autre toile de Courbet, La Femme au perroquet, exposée au
Metropolitan Museum of Art à New York, le met sur la piste de l'Irlandaise
Joanna Hiffernan, compagne du peintre James Whistler, qui l'avait présentée à
Courbet et pour qui elle aurait posé à plusieurs reprises.
L'amateur s'adresse alors à l'expert
Jean-Jacques Fernier, de l'Institut Gustave-Courbet, auteur du Catalogue
raisonné de l'œuvre du peintre. L'expert procède à une analyse fine du
tableau du visage, avec le concours du Centre d'analyses et de recherche en art et
archéologie : "Radiographies, rayons X,
spectrométrie infrarouge, chromatographies", poursuit Paris-Match.
"Les pigments, la couche brune des contours, le tissu de la toile de lin,
composé de 14 × 15 fils au centimètre carré, l'écartement des poils du
pinceau, la longueur des coups de brosse... tout correspond point par
point" à L'Origine du monde.
Ces conclusions scientifiques confirment les
intuitions de l'acquéreur : L'Origine du monde et le portrait
de Joanna Hiffernan, qui sera inscrit au tome III du Catalogue
raisonné que prépare Jean-Jacques Fernier pour l'automne, feraient
partie d'une même œuvre. La sulfureuse Origine du monde ne
serait donc pas un tableau zoomant sur un sexe de femme, mais une œuvre
incomplète faisant partie d'un portrait plus large. Reste
encore à trouver les autres pièces manquantes de ce mystérieux puzzle.
Mise
à jour, 19 h 20 : D'autres
experts se montrent sceptiques quant aux affirmations de Paris-Match. Le
site L'Atelier des icônes soulève que "le mouvement du buste,
tourné vers la gauche, ou celui du drapé paraissent incompatibles avec la
position de la jeune femme du portrait". Dans la Tribune de
l'art, Didier Rykner regrette que
Jean-Jacques Fernier, "expert effectivement reconnu de l'artiste,
puisse faire preuve d'une telle légèreté" en validant l'analyse
scientifique du tableau comme preuve. Le Musée d'Orsay, lui, n'a pas commenté les
informations de Paris-Match.
Le Monde: http://bigbrowser.blog.lemonde.fr/2013/02/07/tresor-lorigine-du-monde-aurait-un-visage/